Repousser la PMA à l'été 2019 n'est « ni plus ni moins qu'un gros foutage de gueule »
Annoncé hier, le report au printemps 2019 du débat parlementaire sur la PMA sonne de façon très familière. La goutte d'eau ?
En février 2014, Yagg publiait un article au titre un brin funeste mais révélateur « PMA : Chronologie d’une mort annoncée ». Sur deux ans, la journaliste Bénédicte Mathieu avait relevé et compilé les engagements et les prises de positions successives de la gauche qui avaient contre toute attente conduit à l’époque à l’abandon à peine dissimulé de l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.
Ce matin, l’envie me prend de refaire une nouvelle chronologie. Les choses sont-elles si différentes depuis l’arrivée au pouvoir du successeur de François Hollande ? Voyons voir : une promesse de campagne, des sondages garantissant une société déjà prête, les avis positifs (et si longtemps attendus) du CCNE, celui du Conseil d’État… et puis ce discours de Macron devant les évêques de France, ce dîner sur la PMA sans aucune femme concernée autour de la table, cette injonction de Macron, à nouveau, désireux de ne pas « brutaliser les consciences » … La semaine dernière, la mention de la reconnaissance d’un tiers donneur de la part d’Agnès Buzyn a achevé d’entretenir ma méfiance à l’égard de ceux et celles qui affirment défendre cette avancée.
« On se prépare à devoir serrer les dents chaque fois qu’on entend à la télé ou à la radio des experts auto-proclamés de la PMA »
En apprenant hier ce nouveau report au printemps 2019, j’étais presque tentée de répondre avec fatalisme qu’on s’y attendait. Que je l’avais vu venir. Après un quinquennat de petites lâchetés sous Hollande, il devient difficile d’ignorer la frilosité avec laquelle le gouvernement actuel veut mener le débat parlementaire. On en tire donc les conséquences : on se prépare mentalement à voir des copines partir à l’étranger pour accéder à la PMA, à les voir se démener pendant un an pour adopter leur propre enfant. On se prépare à devoir serrer les dents chaque fois qu’on entend à la télé ou à la radio des experts auto-proclamés de la PMA nous expliquer – sans lesbophobie aucune – que nos vies, nos couples, nos familles ne valent pas autant que les leurs. « PMA : Chronologie d’une mort annoncée ». Oui, finalement le titre de cette nouvelle chronologie sur les reculades perpétuelles sur la PMA ne serait pas si différent. Bien que la tentation de l’intituler « Chronique d’un gros foutage de gueule » est grande.
La Manif pour tous à qui on ouvre grand la porte
Voir l’histoire se répéter à quelques années d’intervalles montre à quel point il est facile de s’essuyer les pieds sur le dos des enjeux féministes. Car oui, l’extension de la PMA est un enjeu féministe, en tant que droit à disposer librement de son corps. « PMA, IVG, même combat », nous étions quelques dizaines à scander encore ce slogan en septembre dernier à quelques rues d’un rassemblement de la Manif pour tous. La Manif pour tous à qui on ouvre grand la porte pour investir l’espace public et médiatique d’ici 2019. La Manif pour tous qui doit se frotter les mains. La Manif pour tous, qu’on ne doit pas qualifier d’homophobes ou de lesbophobes, parce que « ce qui compte, c’est le résultat ». Mais quel résultat ?
« Ça nous fait une belle jambe de savoir que vous vous trouvez très progressiste et ouvert.e.s d’esprit »
Le gouvernement actuel devra porter la responsabilité de ce gâchis. À Édouard Philippe, à Agnès Buzyn, à Marlène Schiappa, à Nicole Belloubet, à tou.t.e.s les autres : je n’en peux plus de vous entendre dire qu’à titre personnel, vous êtes favorable à l’extension de la PMA. Ça nous fait une belle jambe de savoir que vous vous trouvez très progressistes et ouvert.e.s d’esprit. Vous avez peut-être même une copine célibataire qui à bientôt 40 ans a tenté sa chance dans une clinique espagnole, ou bien des amies lesbiennes qui ont fait une PMA en Belgique. Vous êtes au courant de leurs galères pour que l’une des deux puisse être reconnue comme la mère légale. Vous avez peut-être même une anecdote transcendante et douloureuse qui vous a fait prendre conscience de cette terrible inégalité. Tant mieux pour vous.
Mais tant que vous laisserez perdurer cette discrimination, vos « à titre personnel » ne valent pas grand chose. À titre personnel, nous comprenons que, sous couvert d’apaisement, vous vous préoccupez davantage de vos stratégies politiques et des calendriers électoraux, que de la levée d’une discrimination qui est à votre portée. Vous réclamez un débat apaisé, mais vous n’êtes pas sans connaître la teneur du débat que nous avons vécu en 2012 et 2013. À titre personnel, je n’arrive pas à déterminer si votre attitude tient de la naïveté ou du cynisme. L’un comme l’autre me font froid dans le dos, car je sais que d’ici le printemps 2019 – et depuis 2012 – de nombreuses femmes ont déjà renoncé à leur projet d’enfant et vont continuer à le faire. Cet énième report a des conséquences sur la vie de milliers de personnes. Vos appels au calme n’éteindront pas la colère.
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expat
Depuis le début, je dis que Macron s’est l’enfumage dans toute sa splendeur. Il ne veut pas froisser les réac de la MPT, et a même déclaré qu’elle avait été humiliée. Comme je l’ai toujours pensé Macron ne fera rien, ni avant les élections européennes ni après. Foutage de gueule !