Incompréhension après l'arrêt du Conseil d'État sur la PMA pour les couples lesbiens infertiles
La plus haute juridiction administrative française a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité déposée par Maître Caroline Mécary en juillet dernier.
L’exclusion d’un couple de lesbiennes de l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA), et ce bien que l’une d’elles ait été diagnostiquée infertile, n’apparaît pas comme une discrimination. C’est en tout cas la décision arrêtée par le Conseil d’État, vendredi 28 septembre, et rendue publique mardi 2 octobre. « La différence de traitement (…) entre les couples formés d’un homme et d’une femme et les couples de personnes de même sexe (…) n’est pas contraire au principe d’égalité », ont estimé les juges.
Cet arrêt intervient après que le Conseil d’État a été saisi le 2 juillet 2018 d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). L’avocate Maître Caroline Mécary, qui représente le couple, avait expliqué toute la démarche dans un entretien à Komitid au moment du dépôt de la QPC. « Marie et Ewenne sont exactement dans la même situation qu’un couple hétérosexuel où l’homme par exemple serait infertile… à cela près qu’elles n’ont pas accès à la PMA. Or si celle qui est infertile médicalement avait été en couple avec un homme, elle y aurait eu accès », nous expliquait Maître Mécary au mois de juillet. La PMA n’est aujourd’hui accessible qu’aux couples hétérosexuels infertiles ou qui pourraient transmettre une maladie grave.
La juridiction a répondu que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général ». Comprenez : dans la mesure où faire un enfant ne relève pas de l’intérêt général, cette exclusion ne représente pas une discrimination, aux yeux de la juridiction.
Un arrêt « incompréhensible »
« Cet arrêt est assez incompréhensible pour ne pas dire invraisemblable », a réagi Caroline Mécary auprès de Komitid. « Le Conseil d’État répond à la place du Conseil constitutionnel alors que ça n’est pas son rôle. Son rôle est de s’assurer que sur le plan procédural, il peut la transmettre au Conseil constitutionnel », a-t-elle complété. Pour l’avocate, la juridiction a « outrepassé son pouvoir d’appréciation. »
Sollicitée par Komitid, Maître Émilie Duret, avocate au Barreau de Paris et co-présidente de l’Association française de l’AFALGBT (Association française des avocat.e.s LGBT+), s’est également élevée contre cet arrêt du Conseil d’État : « Le Conseil d’État a le droit de refuser mais ça n’est pas à lui de statuer si la loi est discriminatoire. Il a eu tort, pour une telle question et dans un tel climat, de ne pas transmettre la QPC au Conseil constitutionnel. Le Conseil d’État n’aurait pas dû statuer seul sur la rupture ou non de l’égalité devant la loi. » Aux yeux de Maître Mécary, par sa décision, le Conseil d’État a voulu prendre position : « Le Conseil d’État a pris parti en assénant que la différence de traitement est légitime. Il prend parti. »
Pour rappel, les sages de la plus haute juridiction administrative française avaient, pas plus loin qu’au mois de juillet, indiqué ne voir aucun obstacle juridique à l’extension de cette technique de procréation aux couples de femmes et aux célibataires.
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