Homophobie au travail : les non-concerné.e.s ignorent cette réalité
En publiant son Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, le Défenseur de droits montre la réalité de la population active quant aux comportements sexistes, racistes, homophobes, handiphobes.
Le Défenseur des droits a dévoilé ce matin les résultats de son 11ème Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi. Basée sur un échantillon de 5 117 personnes, l’enquête tend à montrer comment la population active est confrontée aux comportements stigmatisants, à savoir les propos et comportements sexistes, homophobes, racistes, liés à la religion, validistes ou liés à l’état de santé. Le résultat est sans appel : un quart des personnes répondantes ont déclaré avoir fait au moins une fois l’objet de propos ou comportements stigmatisants depuis les cinq dernières années, avec une prédominance du racisme et du sexisme.
Le Baromètre montre que 3 % des personnes interrogées ont été confrontées à des propos ou comportements homophobes. Pour Catherine Tripon, porte-parole de l’Autre Cercle, la persistance des comportements discriminants est à mettre en perspective « au regard du panel choisi ». « En 2011, l’Autre Cercle a réalisé l’enquête “La vie des LGBT* au travail”. Elle montrait que 26 % des répondant.e.s avaient été victimes ou témoins de comportements homophobes », affirme-t-elle auprès de Komitid. L’enquête a été réalisée auprès de 930 personnes, dont 97 % se définissaient comme gay, lesbienne, bisexuelle ou trans.
Une différence de perception
Au vu des chiffres du Baromètre, un constat apparait : si elles ne sont pas directement concernées par une discrimination, les personnes interrogées sont très peu nombreuses à percevoir sa présence. L’exemple est frappant concernant l’exposition aux propos et comportements homophobes : les personnes gays, lesbiennes ou bisexuelles sont 24 % à affirmer y être confrontées, contre seulement 2 % des personnes hétérosexuelles. Cet écart significatif se retrouve aussi concernant le racisme, le sexisme, le validisme ou la stigmatisation des religions (l’enquête montre une majorité de comportements hostiles aux personnes musulmanes).
« Les personnes confrontées aux propos ou comportements sexistes, homophobes, racistes, liés à la religion, handiphobes ou liés à l’état de santé sont renvoyées à ce qui les distingue du groupe majoritaire. »
« Ces fortes disparités illustrent le fait que les propos et comportements agissent comme une assignation à des catégories discriminées », analyse le rapport du Baromètre. « L’assignation fonctionne comme un mécanisme de dévaluation des individus via l’attribution, par autrui, d’une identité sociale dévalorisée dans un contexte donné (femme, personne handicapée, LGBTI, personne perçue comme non-blanche…). Ce processus de stigmatisation s’appuie sur les représentations négatives associées à certaines catégories de population, considérées comme s’éloignant de la norme. Les personnes confrontées aux propos ou comportements sexistes, homophobes, racistes, liés à la religion, handiphobes ou liés à l’état de santé sont renvoyées à ce qui les distingue du groupe majoritaire. »
Les oubliées du Baromètre
Selon le Baromètre, les femmes non-blanches de 18 à 44 ans sont le groupe social le plus exposé aux comportements hostiles en entreprise. Suivent les femmes en situation de handicap, puis les hommes gays ou bisexuels. Aucun chiffre ne vient apporter d’éclairage sur la lesbophobie sur le lieu de travail. Pour Catherine Tripon, l’absence de données sur les femmes lesbiennes ou bisexuelles est significative d’une double peine : « Elles subissent déjà le sexisme en tant que femmes, alors il est possible que ce soit la discrimination qu’elles mettent d’abord en avant dans le questionnaire. Cela rejoint le constat que les lesbiennes sont de toute façon moins visibles et qu’il y a un besoin de travailler là-dessus. On le constate par exemple dans les réseaux LGBT en entreprise par exemple, où elles ont du mal à se rendre visibles. » Autre problématique complètement absente (de l’ensemble de la démarche du Défenseur des droits, cette fois-ci), celle de la transphobie dans le monde du travail.
Une hostilité sous couvert d’humour
« Le groupe des hommes de 35 à 44 ans perçus comme blancs reste le seul à déclarer moins d’attitudes hostiles au travail que la moyenne des actifs (4 %) », note le rapport. « Encore aujourd’hui, les propos et comportements sexistes, homophobes, racistes, liés à la religion, handiphobes ou liés à l’état de santé au travail, sont minimisés dans les milieux de travail, en particulier lorsqu’ils tentent d’être justifiés par l’humour » peut-on lire en conclusion. De quoi répondre à votre collègue un peu lourd qui vous sermonne à grands coups de « on peut plus rire de tout aujourd’hui ! » dès que vous vous risquez à pointer ses « blagues » oppressives.
« L’homophobie en entreprise est plus subtile que dans l’espace public, où les agressions physiques sont rares », estime Catherine Tripon. « Les employeurs sont de plus en plus conscients de ce qu’il se passe. La réponse à ce Baromètre, c’est la promotion de la diversité et de l’égalité des chances, c’est aussi encore plus d’attention de la part des entreprises, notamment à l’heure actuelle où le débat sur la PMA est très présent et peut conduire à une nouvelle libération de la parole lesbophobe comme pendant les débats sur le mariage pour tous. »
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