« Climax » : la descente aux enfers selon Gaspar Noé
Toujours précédé d'une hype mêlant provocation et victimisation de cinéaste incompris, les films de Gaspar Noé se suivent et se ressemblent. « Climax », en salles depuis le 19 septembre, n'échappe pas à la règle : une réalisation virtuose et un scénario plus que simpliste.
Dès le début du film on est saisi : jamais scène de danse n’avait été aussi efficace et inventive que celle du premier quart d’heure de Climax, le dernier film de Gaspar Noé (exception faite du court hallucinant de Clément Cogitore, Les Indes galantes, réalisé pour l’Opéra de Paris). Les vogueurs et vogueuses de la troupe de Kiddy Smile (qui interprète le DJ de la soirée), l’actrice et hip-hoppeuse Sofia Boutella, les danseurs et danseuses de krump ou d’électro au cœur du film font exploser leur inventivité pendant ces quelques minutes survoltées.
En dehors de ces quelques minutes de pur bonheur, tout est à l’avenant. Confessions creuses face caméra, conversations entre mecs d’une misogynie et d’une homophobie crasse, avant le déclenchement du chaos. La troupe, sous l’effet de drogues ajoutées à son insu à la sangria censée ambiancer la soirée, va plonger dans une nuit de débauche, d’abandon, de sexe, de cruauté et de violence meurtrière. Dès lors, le manque de scénario, l’improvisation et une certaine forme de sadisme dessinent un huis-clos oppressant dont on rêve de pouvoir s’échapper, un véritable cauchemar quasi en plan séquence, un lâcher prise observé avec complaisance.
Depuis son premier long métrage Seul contre tous en 1998 avec son anti-héros haineux et facho, le cinéaste argentin n’aura de cesse de surfer sur le mauvais goût et le scandale, devenu sa marque de fabrique. Irréversible et sa fameuse scène de viol de Monica Bellucci dans un tunnel du métro parisien firent scandale en 2002 à Cannes et annonçait déjà un rapport trouble à l’homosexualité (la fameuse ouverture du film par un meurtre sanglant dans la backroom gay le « Rectum » !). Suivront le trip hypnotique et hallucinatoire Enter the void en 2010 et le pseudo-porno Love en 2015 avec éjac faciale en caméra subjective 3D ! La provocation semble souvent vaine, chargée de frustrations et prétexte à vomir la nature humaine et la différence.
C’est là toute l’ambiguïté du cinéma de Gaspar Noé qui a, à chaque sortie d’un de ses films, son lot d’adorateurs et de détracteurs : comment un réalisateur aussi doué peut-il avoir de telles visions, une inspiration formelle aussi bluffante, une créativité folle, un sens absolu de l’image, du son, sans jamais parvenir à nous raconter une histoire, à développer un point de vue ?
Climax
Réalisation : Gaspar Noé
Drame – France
Distribution : Sofia Boutella, Kiddy Smile, Romain Guillermic, Souheila Yacoub, Gisèle Palmer
En salles le 19 septembre 2018
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