« Shéhérazade », une éducation sentimentale

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A l'origine, il y a un fait divers : un jeune homme de 16 ans arrêté pour proxénétisme dans une ville que le réalisateur connaît bien, Marseille. A l'arrivée, Jean-Bernard Marlin compose un film-choc, brut et sensible, d'un réalisme à couper le souffle.

Dylan Robert, dans « Shéhérazade » de Jean-Bernard Marlin
Dylan Robert, héro de « Shéhérazade » de Jean-Bernard Marlin - Ad Vitam Distribution

Pour son premier long métrage, Jean-Bernard Marlin a inscrit son histoire dans sa ville en proximité avec un milieu dans lequel il s’est immergé pendant une année complète pour un documentaire, celui des centres éducatifs fermés. Marseille et sa diversité sont présents dès le générique, constitué d’images d’archives sur l’histoire de l’immigration dans la ville. Et la première scène donne le ton du film : le jeune Zachary, petit dealer des quartiers nord, sort de détention, « Tes valeurs, ton sweat et tes TN A bientôt ! » entend-il en guise d’adieu. A la sortie, il est attendu par son éducatrice pour un retour en foyer mais il ne parvient pas à se réjouir, choqué par l’absence de sa mère et son refus de le reprendre avec elle. C’est donc encore un petit garçon que nous allons suivre alors qu’il renoue avec une vie en marge, un jeune ado en manque d’amour et de repères.

Il fuit son foyer et devient le souteneur de Shéhérazade, une copine du « collège Rosa-Parks » qui se prostitue et dont il tombe amoureux (même s’il l’affirme : « on ne tombe pas amoureux d’une pute ») et de quelques unes de ses consœurs d’infortune. Les deux jeunes amoureux passent leur première nuit ensemble à la lumière d’une veilleuse en forme de lapin mais vont passer de l’enfance à l’âge adulte sans même s’en rendre compte, une réaction de l’ordre du réflexe face à la violence du monde qui les entoure. Le cocktail est explosif, Shéhérazade est une vraie réussite, un film-choc qu’on n’est pas prêt d’oublier. La caméra portée de Jean-Bernard Marlin, toujours en tension, comme à l’affût, sait se faire discrète, composant des plans d’une pudeur respectueuse de ses personnages, notamment entre la mère et le fils. Zachary, le véritable héros du film, malgré sa violence puérile, à fleur de peau, va grandir, changer de regard sur lui et sur les autres. Comme le prouve l’évolution de ses rapports avec Zelda, la trans toxicomane qui partage sa chambre avec Shéhérazade. Zac la considère comme une erreur de la nature, surpris quand Shéhérazade lui apprend que plein de garçons de sa cité sont attirés par Zelda. Il va devenir son proxénète, se battre pour elle et, finalement, dans un moment de détresse, l’appeler « ma sœur  ».

C’est par ce genre de petites touches sensibles que l’on peut mesurer l’intelligence d’un scénario jamais manichéen et qui laisse la part belle à un réalisme dur. Les comédiens, tous quasiment amateurs et pas très éloignés des personnages à qui ils donnent vie sont incroyables de justesse, d’énergie et de sensibilité. Ils incarnent ces destins avec une brutalité, une vérité proche de l’abandon. Si Shéhérazade est un tel choc, il doit beaucoup à l’étincelle que ces jeunes comédiens ont dans les yeux.

Shéhérazade

Réalisation : Jean-Bernard Marlin
Drame – France – 2018
Distribution : Dylan Robert, Kenza Fortas, Izid Azougli, Sofia Bent

En salles depuis le 5 septembre 2018

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