Larry Kramer, co-fondateur d'Act Up New York : l'épidémie de sida est « pire que jamais »
Dans une interview des plus salées, Larry Kramer met politiques et institutions face à leurs responsabilités et alerte sur un recul dans la lutte contre le sida.
83 ans… et toutes ses dents contre le système. Larry Kramer, militant historique de la lutte contre le sida, des droits LGBT+ et co-fondateur d’Act Up New York, s’est fait plus rare ces dernières années, mais il n’a pas moins de choses à (re)dire pour autant. Interrogé par Stat News sur les politiques de santé publique actuelles aux États-Unis, il n’a pas mâché pas ses mots pour exprimer son avis.
Affaibli par une greffe de foie, Larry Kramer a répondu aux questions de la publication par email « en capitales hurlantes », précise le journaliste, Rick Berke, qui y lit clairement le signe que l’activiste n’a pas décoléré. « L’échange avec Kramer ressemblait à un voyage dans le passé, vers le pic de l’épidémie de sida, et beaucoup de ses cibles sont familières », s’est-il autorisé à commenter dans son papier.
En effet, tous les adversaires politiques des militant.e.s impliqué.e.s sur les questions de santé sexuelle et de réduction des risques en ont pris pour leur grade. Francis Collis, directeur du NIH (Instituts américains de la santé) ? « C’est une poule mouillée ». Au sujet du Truvada ? « Gilead est maléfique, purement et simplement ». Donald Trump ? Il l’a comparé à Ronald Reagan, disant que « aucun des deux n’avaient, n’ont, d’égard pour la santé publique. Le démantèlement du système a commencé sous Reagan. Trump est juste le dernier d’une longue ligne de ses hommes de main. La plupart d’entre nous ne savons pas quoi faire, car il barricade, avec succès, toute avenue vers l’aide et le progrès ».
Un recul dans la lutte contre le sida ?
Sur ses gardes, et pessimiste, Karry Kramer a également déclaré que la situation du sida était « pire que jamais », faisant notamment référence à la propagation alarmante de la pandémie en Russie, dans le déni le plus total. « Une grande partie du monde reste non-testée au VIH. Les seules choses dont nous entendons parler sont de petites avancées qui mènent à bien trop d’auto-congratulations », a ajouté le militant, précisant que les petits succès en questions venaient principalement de zones de « classes moyennes et hautes d’hommes blancs comme à New York ou San Francisco ».
« Si le sida avait été considéré comme une maladie d’hommes blancs hétérosexuels, on aurait certainement déjà un remède »
Critique envers sa propre communauté au sujet de la lutte contre le VIH-sida, Larry Kramer n’a pas oublié de recentrer le débat avec une punchline choc dont il a le secret : « Je suis pleinement convaincu que si cela avait été, dès le départ, considéré comme une maladie d’hommes blancs hétérosexuels, on aurait certainement déjà un remède ». Il a ensuite cité la docteure Mathilde Krim, fondatrice de l’amfAR : « On a laissé le sida se produire ».
Une piqûre de rappel tristement nécessaire à l’heure où la vigilance des autorités politiques et sanitaires semble se désintéresser de la question de la prévention. En 2016, Larry Kramer avait également fait une mise au point remarquée, pour rappeler bien fort qu’il n’y avait pas eu de « patient 0 » aux États-Unis dans les années 70, mais que le premier cas de contamination au VIH remontait à 1921, au Congo. De quoi appuyer sur un point de l’histoire fort peu reluisant, et étrangement… méconnu. Comme le documentaire Sida, un héritage de l’époque coloniale l’explique si bien, la situation aurait sans doute été bien différente sans l’occupation belge de ce pays africain.
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