« Sauvage », un regard sans fard ni misérabilisme sur la prostitution masculine

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Félix Maritaud dans son plus beau rôle grâce au premier long métrage de Camille Vidal-Naquet : « Sauvage » sort en salles ce mercredi 29 août 2018.

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« Sauvage », un regard sans fard ni misérabilisme sur la prostitution masculine - Pyramide Distribution / Allociné

Trottoirs, zones industrielles et bois anonymes, jolis garçons sans noms : centré autour d’un jeune gay de 22 ans qui se prostitue, Sauvage est une « tranche de vie » qui retourne l’estomac, entre violence et tendresse.

Le premier long métrage de Camille Vidal-Naquet nous plonge dans le quotidien d’un travailleur du sexe, appelons-le Léo (bien que le sauvageon ne soit jamais nommé dans le film), qui se laisse porter avec une fougueuse désinvolture au gré des clients, des drogues, de la fête, de ses coups de cœur et de sa santé qui se dégrade à vue d’œil.

Félix Maritaud et Camille Vidal-Naquet : le duo qui secoue

Suivant un Félix Maritaud à nu – littéralement – et à vif, le regard que pose le réalisateur sur la prostitution et le milieu gay se fait sans illusions, mais aussi et surtout sans jugement. C’est à celui ou celle qui regarde de se faire sa propre idée… et ce ne sera pas simple. D’une passe à l’autre, on oscille – presque sans transition – entre une dureté extrêmement malaisante et une douceur enveloppante, solaire, qui risquent toutes deux de vous arracher quelques larmes.

Camille Vidal-Naquet a passé trois ans auprès d’une association de soutien aux travailleuses et travailleurs du sexe, qui organise des maraudes dans le bois de Boulogne. Cette expérience lui a sans doute permis d’éviter l’écueil des plus gros clichés sur la prostitution. Le réalisateur l’a d’ailleurs répété, c’est son héros, autour duquel il a écrit toute l’histoire de Sauvage, qui est le sujet principal du film, et non le travail du sexe.

Quant à Félix Maritaud, que l’on s’habitue volontiers à retrouver dans des rôles gays très forts après 120 battements par minute et Un couteau dans le cœur, il a confié avoir énormément travaillé sur la posture et l’alignement de son corps. Et ça se sent : sa présence transpire à grosses gouttes d’émotions à travers l’écran. Il n’y a pas que nos pupilles qui réagissent à la générosité troublante de son interprétation ! Maux de ventres et frissons sont aussi au rendez-vous.

Beaucoup de questions, très peu de réponses

Précarité matérielle et physique, brutalité, mais aussi euphorie, délicatesse et bienveillance… dans un habile numéro de jonglerie, Sauvage réussit l’exploit de trouver un équilibre, mouvementé mais solide, sans être neutre pour autant. Le seul parti pris sur la complexe question de la prostitution, dans un monde qui criminalise et stigmatise cette activité ainsi que les travailleurs et travailleuses du sexe, qui en payent le prix fort, c’est de montrer, pour interroger.

En allant regarder le puissant et nécessaire Sauvage, n’attendez ni morale ni même dénouement clefs en main. Comme l’a expliqué Camille Vidal-Naquet à l’avant-première du Queer Cinéma Club le 19 juillet dernier au Luminor, le personnage principal n’existe que du début à la fin du film, sans avant, ni après. Les questions qu’il laisse dans son sillage, sur sa manière d’être, ses choix et le monde qui l’entoure, elles, ne s’estomperont pas de si tôt. Cette œuvre est faite pour nous bouleverser, et elle arrive à ses fins avec une beauté très singulière, jusque dans ses scènes les plus sombres.

 

Sauvage

Réalisation : Camille Vidal-Naquet
Drame – France – 2018
Distribution : Félix Maritaud (Léo), Eric Bernard (Ahd).

Retrouvez notre grand entretien avec Camille Vidal-Naquet, réalisateur de Sauvage, ici.

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