« Pour la société, une "pute" trans qui se fait tuer, ce n'est rien, c'est personne »
L'association Acceptess-T organise un rassemblement en mémoire de Vanessa Campos, une femme trans et travailleuse du sexe tuée à Paris le 17 août.
Vanessa Campos s été retrouvée morte le 17 août. Cette femme trans migrante originaire du Pérou a été tuée au bois de Boulogne. « Les assassinats de femmes trans travailleuses du sexe n’ont rien de rare. C’est un phénomène récurrent et régulièrement nous tentons d’alerter l’opinion publique et les autorités sur ces violences. Malheureusement comme toujours, nous nous retrouvons seules » ont ainsi réagi le Strass et Acceptess T. Ces associations appellent ce vendredi 24 août à 18 heures, à un rassemblement en mémoire de Vanessa, mais aussi à une prise de conscience collective sur la violence transphobe qui frappe de plein fouet celles qui comme Vanessa, sont migrantes et travailleuses du sexe.
Pour la société, une « pute » trans qui se fait tuer, ce n’est rien. C’est personne. C’est comme si ça faisait partie des risques du métier. Quand on est travailleuse du sexe, on est censée se protéger soi-même des meurtres et des viols. On ne remet pas en question les agresseurs, le système qui nous précarise, la société qui nous exclut, on préfère faire porter la responsabilité aux victimes.
Vanessa Campos, ce n’est pas une personnalité, ce n’est pas quelqu’un de « bienséant ». Parce qu’elle est travailleuse du sexe, ce n’est pas une travailleuse classique, elle n’est pas dans la norme. Parce qu’elle est trans, elle est considérée comme une personne malade mentale. Voilà pourquoi, malgré sa mort, il ne se passe rien. Voilà pourquoi le monde s’en fout.
Un des problèmes, c’est la loi de pénalisation du client. À cause de cette loi, les travailleuses du sexe se cachent de plus en plus et ont le risque de se faire agresser. Comme elles se cachent de plus en plus, la police ne peut pas les protéger, car si la police est là… elles n’ont pas de clients. À cause de cette loi, les travailleuses du sexe ont non seulement moins de clients, mais elles se retrouvent à accepter des pratiques à risques, ou n’ont plus la possibilité de refuser certains d’entre eux. C’est un cercle vicieux. C’est une loi qui au lieu d’aider les personnes à sortir de la prostitution, les met en danger. Elle ne veut pas éliminer la prostitution, elle veut éliminer les prostitué.e.s.
L’isolement est un danger. Vanessa a été agressée et s’il n’y avait pas eu cette loi de pénalisation, peut-être qu’elle aurait été plus proche des autres, moins isolée, peut-être que des gens auraient pu intervenir.
« C’est une loi qui au lieu d’aider les personnes à sortir de la prostitution, les met en danger. Elle ne veut pas éliminer la prostitution, elle veut éliminer les prostitué.e.s. »
Aujourd’hui, elles sont obligées de se séparer parce qu’elles savent que si elles se regroupent, elles seront aussi ciblées plus facilement par les descentes de police. Cette loi a en partie tué Vanessa Campos. Les gens qui ont fait cette loi n’ont réfléchi à rien. Il y a une responsabilité politique énorme dans la mort de Vanessa.
Comment faire changer les choses ? Déjà, qu’on nous écoute. Qu’on écoute notre expertise, nos expériences, parce que nous sommes les premières concernées. Au lieu de criminaliser la prostitution, luttez contre le proxénétisme et laissez les personnes travailleuses du sexe s’auto-gérer. Quand une travailleuse du sexe va porter plainte, quand une personne trans va porter plainte, qu’on l’écoute et que ce ne soit pas la parole d’une « moins-que-rien » contre quelqu’un de bien établi. Qu’on l’écoute, qu’on l’aide, qu’on arrête de les harceler, notamment lorsqu’elles sont sans-papiers. Il est capital de faciliter l’autodétermination des personnes trans. Cela permettra aux personnes migrantes de pouvoir faire leur changement d’état civil en France, ce qui n’est actuellement pas toujours possible. Nous demandons la régularisation immédiate et inconditionnelle et sans enquête de vérification de toutes les personnes trans et intersexes migrantes.
« Au lieu d’alarmer et de provoquer une prise de conscience, les médias tombent dans le sensationnalisme et banalisent la transphobie. »
Il faut aussi changer la manière dont on parle de ces violences transphobes. Les journalistes doivent se renseigner, faire leur travail et respecter les personnes, mais aussi leur propre métier, sans tomber dans le trash. Au lieu d’alarmer et de provoquer une prise de conscience, les médias tombent dans le sensationnalisme et banalisent la transphobie. Respecter le nom de la personne, son identité de genre, c’est la base. Le mégenrage, l’utilisation du mot « travesti », de l’ancien nom, tout cela tue une deuxième fois Vanessa.
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karinesolene
Pareillement,
Merci pour cet article.
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emmanuelle-cachou
Merci beaucoup pour votre article et le sens que vous donnez à votre conclusions
Dommage que d autres médias n ont pas cette égard