3 questions à Mamikon Hovsepyan, fondateur de l'association LGBT+ Pink Armenia
« Les gens ne veulent pas nous voir. Et quand ils nous voient, ils nous attaquent et ils nous disent de nous trouver un coin, d'y rester et de ne plus nous montrer. »
L’affaire faisait grand bruit il y a quelques semaines. En Arménie, pays situé entre l’Asie et l’Europe au nord de la Turquie, neuf activistes LGBT+ avaient été attaqué.e.s par une trentaine de personnes dans la nuit du 2 au 3 août. Deux personnes ont été hospitalisées, explique Têtu, après l’agression LGBTphobe qui s’est déroulée dans un petit village du sud du pays du Caucase.
Si l’affaire a fait parler d’elle dans la presse internationale, c’est notamment parce que huit des neuf victimes étaient étrangères. Mais l’Arménie – si l’homosexualité n’y est pas criminalisée – reste un pays dans lequel il ne fait pas bon sortir du cadre cisgenre et hétérosexuel. Mamikon Hovsepyan, le fondateur de l’association Pink Armenia, explique à Komitid ce que veut dire être LGBT+ et vivre en Arménie.
Komitid : L’agression LGBTphobe survenue dans ce petit village du sud de l’Arménie vous a-t-elle surpris ?
Mamikon Hovsepyan : Ce qui s’est passé ne peut être qualifié que de crime de haine. Il n’y a pas d’autre explication. Les villageois les ont attaqués parce qu’ils étaient différents. Et ce qui s’est passé est à l’image de la discrimination et de l’intolérance de l’Arménie. Si les gens peuvent trouver quelques espaces safe dans les grandes villes, dans les zones rurales c’est beaucoup plus dangereux.
« Ce qui s’est passé est à l’image de la discrimination et de l’intolérance de l’Arménie. »
L’une des victimes a grandi dans ce village, il a été attaqué parce qu’il est ouvertement gay. Les villageois ont visiblement trouvé cette information sur Facebook. Ce genre de choses arrive fréquemment en Arménie et même à Erevan (la capitale, ndlr). Mais cette attaque était particulièrement effrayante, notamment parce qu’ils auraient pu mourir.
Quel est le cadre légal entourant les personnes LGBT+ en Arménie ?
Il n’y a aucune loi, dans un sens comme dans l’autre. L’homosexualité n’est pas criminalisée, mais aucune loi ne nous protège. Nous, les personnes LGBT+, sommes invisibles dans ce pays. D’un côté l’homophobie y est très présente, partagée par 90 % de la population, et de l’autre, ils essayent de nous exclure de la société.
« L’homosexualité n’est pas criminalisée, mais aucune loi ne nous protège »
Nous essayons de nous faire entendre via différents mouvements, mais les gens ne veulent pas nous voir. Et quand ils nous voient, ils nous attaquent, nous font du mal… ils nous disent de nous trouver un coin, d’y rester et de ne plus nous montrer.
Cette attaque semble tout de même avoir lancé une discussion quant aux droits des personnes LGBT+ en Arménie… Que dit le gouvernement sur le sujet ?
Il n’y a eu aucune réaction officielle. Mais certains officiels, à titre personnel, ont condamné l’attaque via leur page Facebook ou durant une conférence de presse. Il y a donc bien eu une réaction, mais elle n’était pas officielle. Après, ce gouvernement (du premier ministre Nikol Pashinyan, élu en mai après des manifestations pacifiques qui se sont soldées par la démission de Serge Sarkissian, ndlr) est un peu plus pro droits humains.
« Les choses changeront quand les médias feront correctement leur travail. Pour l’instant ils sont remplis de haine. »
Je ne sais pas si les choses vont changer. Nous avions des attentes positives (avec ce nouveau gouvernement, ndlr) mais tout ce que nous entendons est du silence. Par exemple, il y a actuellement un projet de loi visant à interdire les discriminations faites aux personnes LGBT+ en attente au Parlement. Mais ils n’y ont pas touché. Il faut dire que certains d’entre eux sont des populistes qui ignorent les minorités. Nous essayons encore de comprendre ce que veux le gouvernement.
Les choses changeront quand les médias feront correctement leur travail. Pour l’instant ils sont remplis de haine. Mais dès qu’ils donneront des informations au moins neutres, cela aura un effet positif.
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