Une association dénonce la façon dont les Gay Games ont pris en compte les athlètes trans
Alors que se terminent les Gay Games, Komitid fait le point avec l'association Acceptess-T sur la façon dont les athlètes trans ont été accueilli.e.s dans la compétition.
« Cette lettre, c’est un ras-le-bol », résume Diane Leriche. Début août, la co-présidente de l’association Acceptess-T a signé une tribune adressée aux Gay Games. Elle y déplore l’absence de l’association à la conférence portant sur la place des personnes trans dans le sport, qui s’est tenue la veille de l’ouverture de l’événement : « Ne pas avoir été associée à cette conférence est le symbole du Pinkwashing, c’est une insulte pour notre travail effectué et prouve à quel point les Gay Games privilégient leur stratégie de communication, sans se soucier des associations concernées et impliquées. »
« Comme une trahison »
Depuis plusieurs années, l’association utilise le sport comme outil d’empowerment, de réappropriation du corps, et de sociabilisation. « Le sport est dans notre ADN », affirme la militante auprès de Komitid. Et en effet, au vu de ses états de services, l’association a toute légitimité à se présenter comme une référence pour parler du rôle du sport auprès des personnes trans : création en 2014 d’Eaux Z’ons le Genre, un temps de piscine dédié aux personnes transgenres et intersexes, création de la première équipe de volley ball de femmes transgenres, collaboration avec la Fédération Sportive Gaie et Lesbienne et l’association Outrans pour fonder la charte Trans et Sport… les exemples sont nombreux.
L’organisation Paris 2018, puis l’Inter-LGBT ont approché Acceptess-T dans les années qui ont précédé cette dixième édition des Gay Games. Elles ont bénéficié de l’expertise et des conseils des militant.e.s pour favoriser la participation et l’inclusion des personnes trans dans la compétition. Mais finalement, à trois semaines du lancement, l’association a découvert que son nom ne figure pas dans le programme parmi les intervenant.e.s à la conférence dédiée aux personnes trans. La douche froide. « Ce n’est pas logique, nous sommes reconnues comme expertes sur le sujet et on nous ignore », regrette Diane Leriche. « Ça a été vécu comme une trahison. Ce n’est pas à nous de quémander pour être invitées. On a donc fait ce communiqué pour remettre les choses à leur place, et pour dénoncer cette récupération. »
Diane Leriche affirme en avoir parlé directement avec Manuel Picaud, le co-président de Paris 2018. « Il m’a répondu que la conférence était ouverte à tout le monde », s’agace-t-elle, « et donc qu’on pouvait intervenir quand même. Mais entre être invitée et pouvoir poser une question depuis la salle, ce n’est pas la même chose. Sa réponse a été très décevante, ce n’était pas un mea culpa. » Contacté.e.s par Komitid, les organisateurs et organisatrices des Gay Games estiment avoir « toujours été dans une attitude d’inclusion dans la préparation de ces Gay Games » : « nous regrettons qu’Acceptess-T ne se soit pas retrouvé dans ce que nous avons proposé, de manière collaborative et consensuelle. »
Parmi les invitées à la table ronde, la chercheuse Karine Espineira a annoncé son retrait en solidarité avec l’association, et ne s’est donc pas présentée à la conférence. Le youtubeur Adrian de la Vega, lui aussi invité, a participé mais a publié un message de soutien sur Twitter.
Les deadnames des joueuses d’Acceptess-T
Et ce n’est pas le seul couac, selon Diane Leriche. En effet, l’équipe de volley-ball de l’association s’est inscrite pour participer à la compétition. Elles ont toutefois été accueillies par une désagréable surprise en allant chercher leurs badges de participantes : « tous les noms des athlètes inscrit.e.s figurent sur le mur des accréditations à la Cité de la Mode et du Design, ainsi qu’au Village des Gay Games. Seulement pour les membres de l’équipe d’Acceptess-T, c’est le nom qui figure sur les passeports qui a été inscrit, et non leur nom usuel. C’est aberrant. », déplore Diane Leriche. L’emploi du deadname (ou l’ancien nom d’une personne trans) est souvent vécu comme une violence pour les personnes trans. Comble de la négligence, certains noms de famille et prénoms auraient été inversés.
Pour la militante, cette inattention est symptomatique d’un manque de considération plus global : « L’inclusion des personnes trans, c’est être vigilant sur ce genre de choses, c’est penser aux personnes avant qu’elles n’aient besoin de vous signaler le problème. »
Des efforts encore insuffisants
Officiellement, l’organisateur de la compétition des Gay Games compte 209 personnes trans parmi les 10 000 participant.e.s, soit 2 % des athlètes. « C’est un chiffre minimal », estime Antoine Le Blanc, co-capitaine de la délégation française qui compte 2360 personnes, « puisqu’il se base sur l’auto-déclaration des personnes inscrites. » Selon lui, des actions ont bien été entreprises en faveur d’un accueil respectueux des personnes trans. « Sur les différents sites, on a mis en place des vestiaires et des toilettes non genrées. La direction de l’Inclusion de Paris 2018 a formé les personnes chargées de l’accueil, des instructions ont été données aux staffs, aux bénévoles. »
Il identifie toutefois un point de blocage au niveau des fédérations sportives : « Beaucoup de partenariats ont été faits avec les fédérations, qui ont besoin de l’état civil des participant.e.s. On retombe dans une compétition très genrée et binaire. Après, il est possible de faire évoluer les choses de l’intérieur, de faire de la sensibilisation, mais ça peut prendre beaucoup de temps. » Reste une réalité concrète à laquelle les Gay Games n’échappe pas : à l’image du sport en général, ils reproduisent consciemment ou non des schémas normatifs, binaires. Invité aux côtés de Diane Leriche dans une émission de France Culture consacré aux Gay Games, Antoine Le Blanc reconnaissait alors la « domination structurelle » des hommes gays cisgenres blancs au sein des Gay Games… à l’image de la visibilité de la communauté LGBT+ dans la société française.
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