« C'est fou de venir en France jouer à la pétanque ! » : une après-midi aux arènes de Lutèce pour les Gay Games
La compétition de pétanque a démarré lundi 6 août avant la grande finale jeudi après-midi. Komitid a assisté à la deuxième demi-journée dans une atmosphère très fédératrice et bon enfant.
« Ça va être chaud cet après-midi ! ». Marguerite, la cinquantaine, assise dans les tribunes des arènes de Lutèce, s’inquiète de la chaleur qui va s’abattre sur les participant.e.s à la compétition de pétanque en ce premier jour d’épreuve. Et pour cause : la température est déjà très élevée et le terrain se trouve évidemment en plein soleil. Il est près de 14 heures, l’ambiance est encore à la sieste d’après repas dans ces arènes qui datent du Ier siècle, édifiées au cœur du 5e arrondissement de Paris, entre le Panthéon et la fac de Jussieu. Marguerite n’est là qu’en tant que supportrice, « je suis la coach moi ! », sourit cette habitante de Villers-le-Lac dans le Doubs. Elle est montée à Paris, logée par son neveu, avec le reste de sa famille : « Trois se sont inscrits à la pétanque, un au badminton et un autre au cyclisme ! ». Pourquoi la pétanque ? « C’est un jeu collectif, c’était pour être ensemble ».
La dimension collective transpire déjà de l’ambiance générale. Même si, pour le moment, quelques dizaines de minutes avant que la compétition ne reprenne, le calme est olympien. On n’ose embêter les sportifs.ves au repos. « La matinée était très agréable ! On pensait qu’il n’y aurait que des p’tits vieux, mais finalement pas du tout. On est très surpris et content, on se prend pas la tête ! », commente Marguerite. Les têtes commencent à se relever, les équipes se réunissent peu à peu, ça cause des parties jouées le matin même et de stratégies.
La compétition de pétanque a séduit près de 190 participant.e.s pour cette 10e édition des Gay Games. En tout, une soixante d’équipes de trois personnes – des « triplettes » – réparties sur deux poules. Ce lundi 6 août, seule la poule A était sur le terrain.
« Les Gay Games, c’était maintenant ou jamais ! »
14h15, la douce ambiance sieste laisse peu à peu place à une certaine effervescence. Les équipes affluent au fur et à mesure. Un groupe d’une dizaine de personnes installées dans les tribunes commencent à entonner Sous les sunlights des tropiques, timidement. Soudain, un « Viens danser ! », sonne de l’autre côté : une certaine Tiphaine, la cinquantaine, inscrite dans la compétition de bowling, est venue assister aux épreuves de pétanque cet après-midi. Et elle avait bien l’intention de se faire des copains et des copines.
« Il y a vraiment une très bonne ambiance ! »
Ni une, ni deux, elle se lève, rejoint l’équipe de chanteurs.ses et les voilà qu’ils et elles reprennent toutes et tous en cœur le tube de Gilbert Montagné. « Je suis très contente, je trouve qu’il y a vraiment une très bonne ambiance ! », se réjouit cette Francilienne. « L’équipe a commencé à chanter, je les ai rejoins, on chanté tous ensemble, c’est chouette quoi ! », dit-elle toute sourire, expliquant ensuite avoir reçu en cadeau d’un Australien un mini koala en peluche. « Je lui offert une mini tour Eiffel en retour ! », dit-elle, sac plastique rempli des minis édifices à l’appui. « J’avais envie de voir d’autres sports, je me suis fait mon programme pour la semaine et comme je suis motarde, je me déplace facilement. De toute façon, c’est simple, je me suis dit que les Gay Games, c’était maintenant ou jamais ! »
Coup de sifflet. Allez, tout le monde en piste ! Les équipes se dirigent sagement mais sûrement vers le terrain en plein cagnard, les épreuves vont reprendre d’un instant à l’autre. Sur le sable, les équipes ont pris possession de leurs pistes. Des jeunes, des seniors, des hommes, des femmes… on confirme que non, la pétanque n’est pas réservée aux « p’tits vieux ». Ça tire, ça pointe, ça sort du cadre, ça s’esclaffe devant un jeté ridicule ou au contraire ça s’enorgueillit devant un joli coup, ça applaudit bien fort en tribune malgré un public relativement éparse, ça encourage, mais surtout, ça s’amuse.
« Moi je suis gay, mais eux non et ils viennent soutenir leur patron »
Stéphane, chef d’une coopérative d’arpenteurs géomètres, est en équipe avec deux de ses deux employés. « Moi je suis gay, mais eux non et ils viennent soutenir leur patron », souligne ce Parisien de 47 ans. « Il nous a proposé de participer, on a immédiatement dit oui et avec énormément de plaisir ! », raconte Anderson, 23 ans. Son patron a les yeux qui brillent : « C’est vraiment important pour moi, ça me fait chaud au cœur. Pour moi les Gay Games, ça fait prendre conscience aux gens qu’il y a des personnes LGBT dans tous les sports, ils permettent cette prise de conscience », analyse Stéphane qui vient de remporter la partie. « Par contre le soleil, c’est peut-être le plus dur ! », glisse Jason, éprouvé par la chaleur.
« Construire quelque chose de positif »
Parmi les courageux.ses participant.e.s qui gardent leur cap malgré l’insolation qui leur pend au nez se trouve Robyn. Cette sexagénaire californienne est ravie de se prêter au jeu de la pétanque. « C’est un jeu vraiment amusant ! C’est fou de venir en France et de jouer à la pétanque. Nous nous sommes entraînées pendant quelques mois ! J’ai choisi ce sport parce que je suis âgée de plus de 60 ans et je voulais un jeu auquel je pouvais jouer facilement », explique-t-elle, toute sourire et pas peu fière de souligner qu’elle était à la première édition des Gay Games. « C’était en plein pendant l’hécatombe liée au sida, c’était quelque chose de tellement positif pour la communauté gay. Je vois qu’on en a toujours besoin, c’est toujours aussi sympa de se réunir, de s’amuser ensemble, et de construire quelque chose de positif. Et puis, c’est tellement plaisant pour moi de voir les plus jeunes, je me vois à leur âge… », lâche-t-elle un brin nostalgique.
« La pétanque, c’est plutôt à l’apéro le soir »
De retour en tribune, la chaleur est insoutenable. Quelques veinard.e.s ont la chance d’avoir leur terrain qui commence à être ombragé. L’équipe du Rosa Bonheur – Rosa Pétanque – remonte dans les gradins alors qu’elle vient d’être battue. « On a été dominées très largement pas une équipe venue de Franche-Comté qui jouait très bien, dans un bon esprit, c’était sympa ! », raconte Kat, une des trois membres de la team.
« Normalement on joue au foot mais on était trop nombreuses, du coup on a fait une équipe de pétanque parce qu’on aime bien ça. Après la pétanque, c’est plutôt à l’apéro le soir, en journée ça nous réussit pas trop », rigole-t-elle. Derrière elle, une voix nous semble familière. Et là, surprise, la chanteuse Zazie est dans l’arène.
L’artiste est venue pour soutenir une équipe d’ami.e.s de Marseille. « Il est absolument impossible de ne pas être là parce que c’est sympa, c’est une bonne initiative, c’est très bon enfant en plus, vive les Gay Games ! », nous lance Zazie, heureuse de prendre part à cet événement annoncé comme ouvert à tou.te.s. « Je pense que ça va au delà du communautarisme, c’est quelque chose de bienveillant, du partage. Par les temps qui courent c’est pas mal de se souvenir de deux trois trucs. Et c’est une hétéro qui vous parle ! », glisse la chanteuse.
L’après-midi touche à sa fin, la deuxième partie est terminée, hormis une équipe qui traîne un peu des pieds. Il ne reste plus qu’à disputer une partie pour la journée avant d’être de retour sur le terrain le lendemain matin dès 9 heures, avant de céder la place à la poule B qui prendra ses quartiers à 14h. Avant de partir, nous croisons Marguerite, son mari vient de remonter, tout fier de ses victoires. Elle n’a pas manqué sa journée et aime à se projeter dans cette semaine de compétition bon enfant et inclusive. « C’est vraiment génial, on ne s’occupe pas de savoir qui est quoi ! », lance-t-elle. « J’ai entendu dire que c’était le plus grand rassemblement sportif au monde mais on en entend bien peu parler… », regrette-t-elle. « Tout le monde s’amuse, est heureux. On sent que c’est une manifestation qui fédère énormément ».