3 questions à Lloyd Kuveya, chercheur pour Amnesty International au Zimbabwe
« Les choses changent pour les personnes LGBT+, mais seulement au niveau politique. »
Un vent de changement serait-il en train de souffler sur le Zimbabwe ? Le pays d’Afrique vient d’organiser des élections présidentielle et législatives, les premières depuis la démission de l’ancien président, Robert Mugabe. Connu pour avoir dirigé le pays d’une main de fer ainsi que pour avoir avoir été le plus vieux chef d’État en exercice au monde, Robert Mugabe était également violemment LGBTphobe.
Son remplaçant Emmerson Mnangagwa, qui vient de remporter les élections avec son parti le Zanu-PF, semble un peu plus ouvert aux questions, sans pour autant chercher à se débarrasser des lois criminalisant l’homosexualité. Lors d’une interview, l’homme politique avait expliqué que si les associations LGBT+ voulaient que les lois changent, c’étaient à elle de faire le travail. Une façon de laisser la porte ouverte ? Komitid a posé la question à Lloyd Kuveya, chercheur pour l’ONG Amnesty International dans le pays.
Komitid : Comment vivent les personnes LGBT+ au Zimbabwe ?
Lloyd Kuveya : Je vais vous donner le cadre légal. D’abord, le code pénal zimbabwéen criminalise toutes les relations sexuelles entre personnes du même sexe. Si elles sont attrapées par la police, les personnes LGBT+ peuvent être condamnées à un an d’emprisonnement. Ensuite, la constitution du Zimbabwe interdit tout simplement tout ce qui est perçu comme homosexuel (se tenir la main, s’embrasser… ndlr).
C’est ce que dit la loi. Mais, au cours des cinq dernières années, je n’ai observé aucune condamnation basée sur ces lois. Il y a bien eu quelques arrestations, une ou deux, mais qui ne se sont jamais terminées devant un juge. La loi n’est pas vraiment appliquée par les tribunaux. Après, il n’y a évidemment aucune reconnaissance des mariages de couples de même sexe.
Comment la population zimbabwéenne perçoit-elle les personnes LGBT+ ?
Au niveau politique, et durant l’ancien régime du président Robert Mugabe, il avait l’habitude de condamner la communauté LGBT+. C’est ce qu’il faisait, en général, à l’approche de chaque élection pour gagner des voix. Mais avec le régime actuel dirigé par Emmerson Mnangagwa, c’est un peu différent. Lui et son équipe ont rencontré des membres de la communauté LGBT+, notamment des représentants de l’association GALZ, le plus grand groupe LGBT du pays. Cela a été fait en public.
« Robert Mugabe avait l’habitude de condamner la communauté LGBT+ »
Et il faut dire que durant la campagne présidentielle, nous n’avons pas eu le même genre d’attaques contre les personnes LGBT, que l’ancien régime avait l’habitude de faire.
Les choses seraient donc en train de changer…
Oui je le pense, au moins au niveau politique. Par contre, si l’on parle des préjugés de la société en général, je ne suis pas certain qu’il y ait eu un changement significatif, contrairement au niveau politique. C’est toujours très compliqué, mais la plupart du rejet vient des religieux et de la communauté religieuse.
Je ne pense pas que nous verrons des arrestations bientôt, mais dans le même temps, les libertés des personnes LGBT+ ne seront certainement pas protégées par l’État dans un futur proche. Durant la campagne électorale, que nous avons suivie, ces questions n’ont pas du tout été abordées. Les politiques ont préféré parler de chômage, de développement humain et d’accès à la nourriture.