« Je suis gay, j'ai contracté le papillomavirus et je suis en colère contre le gouvernement »

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Francis, 24 ans, a contracté le papillomavirus il y a quelques mois. Depuis, il a été opéré mais sa vie sexuelle est réduite pour l'heure au néant et il ne sera jamais réellement débarrassé du virus. Il déplore une absence totale de prévention et d'incitation à la vaccination auprès des hommes.

Test HPV
Test HPV (image d'illustration) - Jarun Ontakrai / Shutterstock

À 24 ans, Francis, infirmier installé à Paris, a contracté le papillomavirus, un virus sexuellement transmissible et dont seul un vaccin empêche de l’attraper. Seulement, le vaccin ne peut être efficace que s’il intervient avant le premier rapport sexuel. Très connu pour provoquer le cancer du col de l’utérus chez les femmes, la prévention n’aurait en revanche pas été suffisante auprès des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes. C’est ce que déplore Francis, qui a choisi Komitid pour en parler.

J’ai rencontré quelqu’un à une soirée. Il me plaisait, je lui plaisais aussi et nous nous sommes revus. Après quelques rendez-vous, nous sommes allés chez lui. Nous avons commencé à nous embrasser, à nous déshabiller puis il m’a touché et il a senti un bouton. Un bouton juste au niveau de ma marge anale. Son ex avait eu des condylomes, c’était le même type de bouton. Le condylome est une sorte de bouton, une verrue qui pousse sur les zones génito-anales (chez les hommes et les femmes) à cause du papillomavirus (HPV). De ce que j’ai compris c’est un peu comme de l’herpès labial, mais les boutons poussent à un autre endroit. Il y a un risque d’évolution en cancer de l’utérus ou de l’anus.

Face à ça, il a paniqué et m’a demandé de partir de chez lui. J’ai été en colère contre lui. Je suis infirmier en bloc opératoire, je suis amené à affronter des choses difficiles (cancer, accidents, etc). J’ai aussi eu une maladie grave il y a deux ans et il était au courant. Alors me faire jeter pour un bouton sur le cul je n’ai pas trouvé ça hyper adapté. Surtout que je lui avais proposé plusieurs fois de m’en aller, ce n’est qu’après la quatrième fois, à deux heures du matin, qu’il m’a dit qu’au final il préférait que je parte. C’est comme s’il venait de me dépister la gale et que sa vie était en danger.

« J’avais mal en continu »

J’avais déjà vu ce bouton, mais il ne me gênait pas et je ne m’inquiétais pas. J’ai quand même pris rendez-vous chez mon médecin traitant qui m’a orienté vers un andrologue qui a confirmé le diagnostic initial et m’a orienté vers un proctologue pour l’exérèse chirurgicale de cette excroissance. Après un examen clinique avec un anuscope, ma proctologue m’a dit qu’il y avait des condylomes à l’intérieur. Je ne voulais pas d’anesthésie générale, elle m’a proposé de me le faire avec une anesthésie locale. Concrètement je me suis pris des piqûres dans l’anus avec un anesthésiant local et ensuite elle les a brûlés avec à un bistouri électrique.

Je vous laisse imaginer la douleur. Les suites, elles ont été aussi douloureuses : j’avais mal dès que j’allais à la selle et même quand je n’y allais pas. En gros j’avais mal en continu. C’était supportable mais c’était gênant. J’ai été sous anti-douleurs en continu pendant plusieurs jours, je me suis constipé et j’ai eu des saignements jusqu’à un mois après. Malheureusement elle n’a pas réussi à tout enlever et l’anesthésie générale n’était plus une option à éviter pour pouvoir tout enlever. Un mois après, j’ai subi une intervention qui s’est très bien déroulée et qui a permis de tout enlever.

Le condylome revient facilement, dans 50 % des cas

Depuis je n’ai toujours pas pleinement cicatrisé et, depuis le premier geste chirurgical, cela fait trois mois que je n’ai pas pu avoir de rapport sexuel. J’ai demandé à ma proctologue les précautions que je devais prendre une fois que je me sentirai « prêt » à avoir une relation sexuelle. Il faut savoir que le préservatif n’exclut pas d’attraper le HPV car il suffit d’un contact avec une zone génito-anale pour l’attraper. À ma connaissance il n’existe pas de culotte-capote et ça ne semblerait pas pratique à enfiler. Elle m’a dit qu’il fallait que je prévienne mon partenaire de mon problème et qu’il devait se faire suivre comme moi s’il devenait un partenaire régulier. Le gros problème du condylome est qu’il revient facilement, dans 50 % des cas. Dans mon cas il est inefficace de me faire vacciner car j’ai déjà eu des rapports sexuels.

« Je n’avais aucune idée que ça existait chez les mecs »

Je n’avais jamais entendu parler de cette vaccination, enfin seulement auprès de mes amies avec le Gardasil. Malgré le fait de ne plus avoir de boutons je me sens sale et pouvant contaminer des gens du HPV. Je n’avais aucune idée que ça existait chez les mecs, j’ai été surpris. Je n’ai pas eu l’occasion de dire à d’éventuels partenaires ce qu’il m’est arrivé cette année, mais je redoute ce moment. Je fais comment pour faire entendre ça à quelqu’un ? C’est plus que délicat. Et face à ça, il n’y a aucune prévention du gouvernement. Certes un petit bouton ce n’est pas grand chose, ils s’en vont facilement et je me sens bien suivi maintenant, mais je n’oublie pas que cela peut évoluer en cancer. Et, outre ça, ça fait cinq mois qu’un type a senti un bouton au niveau de mon anus et que cela a bousillé ma vie sexuelle pour cette année. Clairement j’attends mon rendez-vous à la fin de l’été pour être sûr qu’il n’y a pas de récidive.

Une fois qu’on a contracté l’HPV, on l’a à vie

Aujourd’hui je vais bien. J’espère retrouver une vie sexuelle normale et ne pas me faire rejeter à l’annonce de cette expérience. Mais je suis vraiment en colère contre le gouvernement et leur politique prévention, ils n’ont clairement pas fait leur job. Parce qu’une fois qu’on a contracté l’HPV, on l’a à vie. Les condylomes peuvent ne plus repousser après une intervention, ils peuvent néanmoins revenir. Une fois qu’on a l’HPV, il ne disparaît pas comme ça, il est en phase latente. Il aurait fallu de la prévention au même titre que le VIH/sida à l’école. En parler tout simplement pour informer le grand public.

« Si mon témoignage peut faire changer les choses… »

En témoignant, j’espère que les choses changeront. Qu’au moins une personne le lira et apprendra des choses à ce sujet. Que les gens sauront se dépister à temps pour éviter que les condylomes se multiplient, qu’ils se sentiront moins honteux car au final ils n’y sont pour rien en contractant le virus. Et en vrai, une grande part de la population est déjà porteuse. Si mon témoignage peut faire changer les choses rien qu’un peu, c’est bien. C’est pas la fin du monde hein, il y a pire mais il y a aussi une façon de l’éviter qui est assez simple et surtout sensibiliser les gens au fait que ce n’est pas qu’une bombe prête à exploser. Je ne me serais peut-être pas fait jeter de chez quelqu’un à deux heures du matin si on avait plus d’informations à ce sujet.