« Come as you are », le film sur les thérapies de conversion dont l'Amérique avait besoin
Avec cet anti-« But I'm a cheerleader », la réalisatrice Desiree Akhavan nous plonge dans l'enfer silencieux des centres de réhabilitation qui visent à « guérir » les jeunes gays et lesbiennes.
Dans le milieu des années 90, Cameron (interprétée par Chloë Grace Moretz) est envoyée à God’s Promise, un centre perdu dans les montagnes où sont admis les adolescent.e.s qui, comme elle, sont gays ou lesbiennes. Tout.e.s ont signé pour se plier au protocole de God’s Promise pour guérir de leur « ASM », leur attirance pour les personnes de même sexe.
Par petites touches, la réalisatrice Desiree Akhavan dessine le piège feutré et insidieux qui se noue autour du personnage de Cameron. D’abord dubitative face aux méthodes de thérapies douteuses et en apparence assez inoffensives, elle se laisse finalement séduire par la perspective de se sentir enfin normale, de ne plus ressentir le malaise, la peur de ne jamais être acceptée. Et si cette prison sans murs était sa « seule chance » ?
Pourtant, derrière la bienveillance chrétienne de ses geôlier.e.s plein.e.s de bonnes intentions, une vraie violence s’exerce sur elle et sur les jeunes du centre, faite de pressions psychologiques et de manipulation. Desiree Akhavan parvient ainsi à déjouer les facilités du pathos et à montrer avec une justesse subtile les mécanismes de ces institutions auxquelles des familles confient leurs enfants sans comprendre le mal qui leur sera fait.
Avec ce rôle, Chloë Grace Moretz poursuit son virage vers le cinéma indépendant. Elle se débarrasse progressivement de son image de jeune première dont les studios hollywoodiens sont si friands et incarne une Cameron perdue et touchante de normalité, qui essaie de comprendre ce qui lui arrive, tiraillée entre ses désirs et l’espoir d’être aidée à sortir de ses doutes. Avec elle, les comédien et comédienne Forrest Goodluck et Sasha Lane, tout en nonchalance mélancolique, forment un trio touchant qui procure quelques salutaires bouffées d’oxygène dans l’atmosphère étouffante de ce centre.
Bientôt un tournant ?
Même en gardant son intrigue dans les années 90, Desiree Akhavan parvient à faire résonner son sujet de façon très actuelle et confronte l’Amérique d’aujourd’hui aux ravages de ces pratiques : combien de vies ont-elles été brisées après ces thérapies destructrices ? Combien d’années encore les États laisseront le champ libre à ces centres dont l’activité n’a pour seul but que d’amener des adolescent.e.s vulnérables à se haïr ?
Presque vingt ans après le film culte de Jamie Babbit But I’m a cheerleader qui dénonçait les thérapies de conversion à travers la comédie et l’absurde, Come as you are – qui sortira en août aux États-Unis sous le nom de The Miseducation of Cameron Post – est une véritable opportunité de porter dans le débat public et politique le problème des thérapies de conversion. À l’automne prochain, c’est le film Boy Erased qui abordera à son tour le sujet, réalisé par Joel Edgerton avec Russell Crowe et Nicole Kidman, ainsi que Troye Sivan et Xavier Dolan.
À ce jour aux États-Unis, seuls neuf États ont interdit ces pratiques. Le nombre de personnes à en avoir été victimes s’élève à plusieurs dizaines de milliers.
Come as you are (The Miseducation of Cameron Post)
Réalisation : Desiree Akhavan
Drame – États-Unis – 2018
Distribution : Chloë Grace Moretz (Cameron Post), Sasha Lane (Jane Fonda), Forrest Goodluck (Adam Red Eagle), John Gallagher Jr. (Reverend Rick)…
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foxy62
je ne l’ai pas encore vu, mais par contre en bas de chez moi , sur les panneaux des abris bus il y a Mac Do qui a récupéré tel quel le titre du film…. Pas vraiment étonnant, ils ne connaissent pas le sens du mot “décence”. Pour ce qui est des thérapies comportementalistes, les anglo-saxons ont toujours été assez effrayant ( cf Milgram…), mais il ne faut jamais oublier qu’ici aussi on a “rééduqué” les “déviants”. Cela a commencé dans les années 40…Peu en sont revenus. Bonjour depuis l’est de la Lorraine – Schuss.