3 questions à Margot de la chaîne YouTube queer et anti-validiste « Vivre Avec »
« Nous sommes énormément à n'être ni cisgenres-hétéros, ni valides. Ça peut parfois être compliqué de cumuler ces deux identités dans un monde qui nous fait comprendre qu'aucune n'est normale ou bienvenue ».
Vivre Avec est la chaîne YouTube où Margot parle de sa maladie, le Syndrome d’Ehlers-Danlos, mais pas que. Parmi les très nombreuses vidéos qu’elle a réalisées depuis 2014, on trouve par exemple : « 7 clichés sur la bisexualité », « AAH (Allocation aux Adultes Handicapés, ndlr) et dépendance organisée », « Sous-vêtements de règles confortables et inclusifs » ou encore « Téléthon : pourquoi on n’en veut pas ». Rencontre avec cette militante qui donne de la voix aux questions de handicap, qu’il soit visible ou invisible, et d’accessibilité des milieux LGBT+ avec autant de force que de bienveillance.
Komitid : En tant que personne queer et handie, quelle est votre expérience du milieu communautaire et militant LGBT+ ?
Margot : J’ai longtemps habité à Paris, et pour me rendre en asso LGBT+ il fallait braver les transports en commun. Bus à la conduite violente, RER avec ascenseurs en panne, métros sans ascenseurs du tout… Cela empire mon état de santé. Rien que pour me rendre dans les lieux associatifs, j’avais au moins une heure et demie de galère, douloureuse et fatigante. Alors, forcément, je n’arrivais pas en super état. Surtout au début, plus ou moins dans le placard, je m’y rendais seule et c’était d’autant plus de fatigue, car il était impossible pour moi de prendre un fauteuil roulant. Et même si j’avais pu, aucun des lieux parisiens que je connais ne sont accessibles lorsqu’on en utilise un.
Ensuite, il y avait les personnes présentes, LGBT+, certes, mais bien souvent valides. Eh oui, lorsqu’un lieu n’est pas accessible, très peu de personnes handicapées peuvent s’y rendre ! C’était pour moi un bol d’air parce que je pouvais enfin y libérer mon côté queer et rencontrer d’autres personnes comme moi. Mais malheureusement, j’y ai aussi retrouvé beaucoup de réflexes de proches valides qui empoisonnent notre quotidien sans s’en rendre compte. À savoir poser des questions invasives sur nos aides à la mobilité ou notre état de santé, ne pas prendre en compte nos besoins, minimiser nos douleurs et notre fatigue…
Pour l’édition 2017 de la Marche des Fiertés de Paris, vous avez manifesté avec une pancarte « Queer handicapé.e paie ta cape d’invisibilité ». Elle est devenue si virale que vous l’avez récemment déclinée en tee-shirts et tote bags. Avez-vous l’impression qu’il y ait eu du changement en termes d’accessibilité, d’écoute des personnes en situation de handicap, dans les cercles LGBT+ ces derniers mois ?
M : Ces derniers mois je me suis pas vraiment déplacée physiquement dans des assos ou événements LGBT+. Mais de ce que je vois à travers internet, j’ai l’impression que les personnes queer et handicapées réalisent peu à peu qu’elles sont légitimes, et que leurs voix méritent d’être entendues !
Nous sommes énormément à n’être ni cisgenres-hétéros, ni valides. Ça peut parfois être compliqué de cumuler ces deux identités dans un monde qui nous fait comprendre qu’aucune n’est normale ou bienvenue. Mais des réseaux de personnes queer et handies se forment peu à peu et nous arrivons de plus en plus à nous faire entendre. Cela nous permet de nous retrouver dans des espaces accueillants, à la fois exempts de validisme (discrimination à l’encontre des personnes en situation de handicap) et de LGBT+phobie, et ça fait un bien immense.
Quel message aimeriez-vous faire passer aux personnes organisatrices d’événements festifs et/ou militants dans la sphère LGBT+ sur l’accessibilité de ces derniers ?
M : Impliquez directement les personnes concernées et remettez-vous en question lorsqu’on vous fait des remarques sur votre niveau d’accessibilité ! Évidemment, lorsqu’on est valide, c’est compliqué de réaliser que tout le monde ne fonctionne pas de la même manière. Mais soyez conscient.e.s que toutes les personnes qui veulent venir à vos événements ont des besoins différents.
Quand on parle d’accessibilité, on pense souvent aux lieux accessibles en fauteuil roulant. Okay, mais l’accessibilité, c’est aussi : penser aux personnes qui fatiguent vite, prévoir un endroit calme et moins lumineux pour qu’elles se reposent, toujours avoir des chaises à disposition, indiquer clairement et en grand les accès aux différentes salles, les accès aux ascenseurs, imprimer des versions des programmes en grands caractères, sous-titrer les conférences et avoir un.e interprète LSF (langue des signes française, ndlr)… Alors sondez, demandez, interrogez ! Et impliquez directement les personnes handicapées, malades, dans l’organisation. Elles sauront dire de quoi elles ont besoin et vous faire avancer dans la bonne direction.
Mais si vous regardez autour de vous et que vous vous rendez compte qu’il n’y a que des personnes valides à vos événements, il y a de grandes chances pour qu’ils ne soient pas accessibles.