États généraux de la bioéthique : les débats toujours parasités par La Manif pour tous
Et par Frigide Barjot, qui préfère aujourd'hui qu'on l'appelle par son vrai nom, Virginie Tellenne, dans une volonté aussi vaine que manifeste d'effacer les années bleues et roses...
Les États généraux de la bioéthique 2018 se tiennent depuis le 18 janvier 2018, partout en France, dans le but d’être synthétisés par le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) pour la révision de la loi sur la bioéthique, prévue pour le mois de juin. Les thèmes abordés ? La PMA, la fin de vie, la GPA. Et depuis février, les associations et militant.e.s LGBT+ de plusieurs villes ont signalé la mainmise d’activistes proches de La Manif pour tous dans les rencontres et débats. Début avril, des membres de l’association lesbienne, bie et féministe FièrEs ont déployé une banderole « Nous ne sommes pas votre sujet de débat » lors d’une conférence intitulée « PMA, GPA, accès aux origines : la loi à l’épreuve de la réalité » organisée à Sciences Po. Mais les réactions officielles escomptées au signalement de ce flagrant déséquilibre n’arrivent pas.
États Généraux de la Bioéthique : un débat quasi-unilatéral
Le 11 avril, une « rencontre de « contre-expertises » » était organisée à l’espace Leon Marais, à Paris, par l’Espace éthique Île-de-France sous le prétexte des Etats Généraux. Au programme ? Virginie Tellenne (que beaucoup connaissent encore et surtout sous son pseudonyme, Frigide Barjot), entre autres, pour l’intervention suivante : « Les différences éthiques entre PMA homologues et hétérologues ». Le ton était donné d’avance. Mais ce n’était pas la seule pépite de cette soirée « contre-expertises » dépourvue d’expert.e.s, puisqu’il est annoncé qu’il n’y a pas eu de « casting » pour les interventions, de quinze minutes chacune, juste des inscrit.e.s.
C’est dans une salle remplie seulement aux deux tiers qu’a commencé la discussion, animée par Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à la Faculté de médecine de l’Université Paris-Sud 11 et directeur de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France. Dans le public beaucoup d’hommes, presque autant que de femmes. La moyenne d’âge avoisine les 45 ans, et la majorité du public est blanche. Impossible de ne pas sentir un certain parti-pris juste en faisant un tour d’horizon des participants et participantes.
Le premier intervenant, Baptiste Laroche, se présente comme un « simple étudiant en philosophie » et délivre un speech sur « les lois naturelles », que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes enfreindrait. L’avis d’un philosophe en devenir ? Pas si sûr. Le jeune homme, tout comme le médiateur, ont oublié de préciser qu’il est en fait (et surtout) le responsable jeunes du PCD, Parti Chrétien Démocrate fondé par une certaine Christine Boutin. L’applaudimètre est au plafond. Parmi les réactions du public qui flirtent avec les louanges, avec des éléments de langage clairement identifiés LMPT, une seule une femme, hétéro, a l’audace de parler au nom de ses ami.e.s LGBT+ et interroge la salle : « De quoi vous mêlez-vous ? ».
Le troisième intervenant est Dominique Mennesson, fondateur de l’association C.L.A.R.A. (Comité de soutien pour la Légalisation de la GPA et l’Aide à la Reproduction Assistée). Il assure vouloir démystifier la GPA et se dit effaré par le niveau de désinformation sur le sujet en France. Il explique ensuite les deux écoles, l’approche « travail » et l’approche « altruiste », et met l’accent sur la seconde, en insistant sur la notion de « consentement libre et éclairé des individus ». Pour finir, il se prononce en faveur d’une législation sur la GPA en France, après avoir déclaré que l’approche naturaliste de la question ne reposait sur rien, alors qu’il y a de nombreuses études donnant la parole aux personnes porteuses, et enfants, de GPA, aux retours très positifs.
La salle est énervée, les reproches pleuvent, puis le modérateur annonce deux minutes trente à Dominique Mennesson pour répondre. Il aura juste le temps d’inviter l’assemblée à se pencher sur la définition du mot esclavage, rappelant avec lassitude que cette comparaison « qui revient à chaque fois » est « très déplacée ». Seules cinq à six personnes applaudissent son intervention.
Argumentaire « pro-life », théorie du complot transhumaniste
L’intervenante qui suit, Anne-Laure Brisson, est infirmière en soins palliatifs depuis un an et demi. Du haut de son expérience, elle délivre une tirade contre l’euthanasie qui est acclamée par la salle, à deux doigts d’une standing ovation. Un homme dans le public la remercie, en disant que son témoignage vaut mieux que « tous les rapports » officiels. Vient ensuite le moment fatidique ou Virginie Tellenne monte sur l’estrade.
Rapidement, Frigide Barjot interpelle « ses amis catholiques » à se confronter à la réalité : leur notion de famille est dépassée, appuyant sa posture de poire coupée en deux qui lui a valu sa fameuse rupture avec La Manif pour tous. Elle déplore certes le chemin que prennent les choses, mais plaide en faveur de la coparentalité, avant d’évoquer sa peur de l’eugénisme, du transhumanisme et des robots, avec des raccourcis plus rapides que la lumière. Elle se positionnerait presque comme LGBT+ friendly, avec un discours faussement ouvert qui tutoie le complotisme. Elle n’oubliera pas de dire « nous », pour évoquer son nouveau bébé, le mouvement L’Avenir Pour Tous. Sa conclusion ? « En l’absence d’amour procréatif, pourquoi pas l’amitié procréative ? Car de l’argent pour un enfant c’est juste pas possible ». L’auditoire, choqué, qui n’applaudit pas, n’est vraiment pas content. Et nous non plus.