Le Kenya enfin à l'heure de la décriminalisation de l'homosexualité ?
Au Kenya, les discussions ont commencé pour mettre aux oubliettes des articles du code pénal... et légaliser les relations non-hétérosexuelles. Une décision qui pourrait être historique.
Bientôt une gay pride à Nairobi ? Au Kenya, où 96 % des habitants considèrent que l’homosexualité devrait être rejetée (selon un rapport de 2007 du Pew Global Attitudes Project) des discussions ont commencé pour envoyer aux oubliettes quelques articles du Code pénal punissant les relations sexuelles « non naturelles ». Dans ce fier pays, les personnes LGBT+ subissent souvent des violences policières et s’entassent dans les prisons à cause de plusieurs articles du texte criminalisant des actes estampillés non hétérosexuels. L’article 162, qui punit la « sodomie » par 14 ans d’emprisonnement, et l’article 165 qui punit de cinq ans de prison les « actes indécents ».
La Commission Nationale pour les droits humains des gays et des lesbiennes (NGLHRC) considère que ces sections sont anticonstitutionnelles. En effet, tous les Kenyans ont le droit à l’égalité, à vivre sans discriminations, à la dignité, à la liberté, à la sécurité et au respect de la vie privée, selon la constitution du pays. Les relations sexuelles « sont un élément essentiel dans la façon qu’ont les personnes d’exprimer leur amour et leur intimité » a expliqué Eric Gitari, Président de la NGLHRC dans une interview au Washington Post.
Une décision qui pourrait faire un précédent
Depuis le jeudi 22 février, des discussions et défilés d’experts ont commencé dans la plus haute cour de justice du pays pour bannir les deux articles et de facto décriminaliser l’homosexualité. L’avocat général Paul Muite, l’un des avocats les plus respectés du pays, soutient la décriminalisation et a fait venir un bataillon d’experts pour montrer que l’homosexualité n’est pas un choix, et donc non punissable.
Face à lui, les avocats du Kenya Christian Professional Forum, financés en grande partie par les lobbys évangélistes américains, sont furibards. Le législateur Irungu Kangata, opposé à la démarche, y voit du néo-colonialisme : « je suis perturbé de voir que ce cas est soutenu par les occidentaux. C’est une forme de colonisation. Ils veulent diminuer les Africains, ils veulent nous diminuer nous, les Kenyans ». La date de la décision n’est pas encore connue : si les articles sont confirmés, les lobbyistes homophobes pourraient s’en servir pour rendre la vie encore plus impossible aux personnes LGBT+. Si ils sont désavoués, les conséquences pourraient être historiques.
Même si une tentative similaire avait échoué en 2014, les espoirs sont grands et dans le secret des maisons, on prépare les rainbow flags. Si les articles sont retirés, et les relations non-hétérosexuelles décriminalisées, ce serait historique. Et hors du pays aussi : car les droits LGBT+ promettent d’être l’un des points principaux de la prochaine Réunion des chefs du gouvernement du Commonwealth , qui se tiendra à Londres du 16 au 20 avril prochain. Si le Kenya mène la danse avec cette décision, d’autres pays pourraient suivre. Fingers crossed, donc.